Par Marine Garnier

14/10/2021

Nos habitudes de consommation ont connu un changement radical au cours des 18 derniers mois, alors que le monde de la vente et du commerce a été forcé de s'adapter et d'opérer en ligne suite à la pandémie de Covid-19. En plus de la part toujours grandissante que prend le monde numérique sur le physique, le secteur de la consommation a dû subir une importante transformation, s'efforçant d'attirer une nouvelle forme de clientèle alors que l'on s'attend à ce que nos commerces et manières de consommer ne soient plus jamais les mêmes.

Alors, qu'en est-il de l'état actuel de la consommation de biens et de services en France, en Europe et dans le reste du monde ? Pour le savoir, nous avons procédé à un sondage auprès de consommateurs français pour établir un bilan de l'état du secteur avant la crise sanitaire, des comportements de consommation et des tendances à venir.

Comportements des consommateurs avant, pendant et après la pandémie

La pandémie a bouleversé les comportements d'achat en magasin

Infographie présentant la fréquence d'achat en magasin des Français

Avant l'émergence du Covid-19, 53% des Français faisaient leurs achats en magasin au moins une fois par semaine, tandis que 18 % d'entre eux fréquentaient les rues commerçantes entre deux et trois fois par semaine.

Aujourd'hui, l'on constate une légère baisse de ces chiffres, alors que seuleument 21% des personnes interrogées déclarent se rendre dans leur quartier commerçant pour leurs achats hebdomadaires. En réalité, le nombre de consommateurs ne se rendant que rarement dans les magasins semble avoir augmenté, 21% d'entre eux admettant s'y trouver moins d'une fois par mois (soit 5,64% de plus après le confinement), contre 19% au moins une fois par mois.

Le shopping quotidien dans les grandes rues commerçantes a chuté de 6% au cours de la pandémie de Covid-19, alors qu'il atteignait 11,5% avant le début du confinement. Aujourd'hui encore, les chiffres demeurent 5% en dessous de ceux observés avant la crise sanitaire puisque seulement 6,5% des consommateurs affirment faire leurs achats quotidiens en personne.

Étonnamment, la majorité des Français privilégient les magasins physiques

Alors que le monde extérieur rouvre peu à peu ses portes, les acheteurs reprennent la direction des boutiques. Non sans surprise pour les experts en la matière qui prévoyaient la montée en puissance du shopping en ligne, le commerce physique tient le coup, dès lors que de nombreux consommateurs préfèrent faire leurs achats en magasin. Le tout malgré un récent virage vers la consommation en ligne dû à la pandémie.

3 Français sur 5 considèrent que points de vente physiques restent importants

Infographie présentant la fréquence d'achat en ligne des Français

Alors que le shopping en ligne gagne du terrain, de nombreux Français continuent à attacher de l'importance aux magasins et boutiques jonchant leurs grandes avenues commerciales. 63% des consommateurs français affirment que ces boutiques de proximité restent leur premier choix lorsqu'ils font leur shopping, contre seulement 12% préférant effectuer leurs achats principalement sur Internet et enfin un maigre 2% des personnes interrogées assurant ne faire leurs achats que sur la toile, exclusivement.

34% des consommateurs affirment trouver de meilleures affaires en personne plutôt qu'en ligne, même si 26% des sondés s'accordent pour dire le contraire. Il semblerait donc, à en croire les habitués, que les deux méthodes soient équivalentes en termes d'expérience et de prix. Il est intéressant de noter que 45% des personnes interrogées disent dépenser davantage lorsqu'elles sont en magasin, ce qui reste surprenant quand on sait à quel point il est facile de se perdre et naviguer pendant des heures sur Internet.

James Khoury, le PDG de Zendbox, s'accorde lui aussi à dire que les rues commerçantes gardent une place essentielle auprès des consommateurs et souligne : "S'il est évident que les boutiques de nos villes et villages ont souffert pendant la pandémie, l'heure n'est pas encore venue d'abandonner tout espoir pour ces commerces physiques. Les niveaux de personnalisation et de commodité pour lesquels les consommateurs continuent d'opter en ligne suivent le même cours que les services offerts dans des boutiques traditionnelles, en personne.

Nous observons déjà une hausse du nombre de magasins physiques adoptant des stratégies de marketing expérientiel pour offrir à leurs clients une expérience en magasin qui soit immersive (et hygiénique), capable de rivaliser avec le commerce ligne.

Désormais, garantir une expérience innovante est précisément ce dont les commerces physiques auront besoin pour se démarquer face à la facilité du shopping en ligne."

La priorité pour les consommateurs : la chasse aux bonnes affaires

Faire du shopping est une expérience à part entière pour bien des consommateurs. C’est la raison pour laquelle de nombreuses personnes continuent de fréquenter les rues commerçantes malgré l'existence de méthodes d'achats alternatives sans doute plus pratiques.

De la découverte d'un produit à l'interaction avec le personnel, les consommateurs ont accès une expérience humaine complète lorsqu'ils font des achats.

Il y a cependant un facteur qu'ils jugent primordial et qui passe avant tout le reste lorsqu'il s'agit de faire des emplettes. Selon 53% des personnes interrogées, le plus important pour un consommateur français lorsqu'il ou elle s'apprête à dépenser est de faire de bonnes affaires.

D'autres facteurs importants aux yeux des consommateurs incluent la rapidité et le confort offerts, ainsi que la facilité d'accès à un produit.

Le tableau ci-dessous indique les aspects les plus appréciés des consommateurs, et ce qu'ils recherchent avant tout :

Rang Facteur important Pourcentage de personnes considérant ce facteur comme important
1 Trouver de bonnes affaires 53.50%
2 Rapidité et confort 43%
3 Produit facile d'accès 39.40%
4 Possibilité de voir, interagir avec et essayer un produit en personne 38.81%
5 Avis d'autres consommateurs 21.50%

Le facteur auquel les répondants semblent accorder le moins d'importance est la liste des méthodes de paiement disponibles, tels que la possibilité de payer par carte de crédit ou un système de report de paiement, auxquels seuls 9% des consommateurs disent prêter attention. Mais alors que des options telles que celles offertes par des marques comme Klarna continuent de gagner en popularité, cette tendance pourrait bien s'inverser dans les années à venir.

Cameron Worth, fondateur de l'entreprise SharpEnd, s'est confié à Savoo en exprimant son point de vue sur le retour des consommateurs en magasin : "Ce que l'on observe aujourd'hui, c'est que le commerce de détail devient davantage un outil de présentation plutôt qu'un lieu d’achat. Nous tâchons maintenant d'attirer les clients à redécouvrir leurs commerces physiques en développant et en optimisant l'expérience offerte en magasin, qui ne consiste plus simplement à vendre, mais aussi à construire une image de marque basée sur cette même expérience.

D'un point de vue technologique, de nombreux concepts stores voient le jour un peu partout et effectuent par la même occasion un virage complet dans leur approche vis-à-vis des marques plus traditionnelles se concentrant sur les ventes. À l'inverse, ces entreprises innovantes se tournent vers l'essayage virtuel ou la réalité augmentée pour donner vie à leurs produits et services en magasin."

Leclerc, l’enseigne la plus prisée des consommateurs

Dans l'Hexagone, les supermarchés sont parmi les marques les plus plébiscitées, à l'instar de E.Leclerc et Carrefour, qui s'efforcent de proposer des petits prix et des produits locaux. Pas surprenant qu'une stratégie pareille porte ses fruits pour ces enseignes, en particulier si l'on considère les préférences des consommateurs à ce sujet depuis le début de la pandémie.

Ci-dessous, la liste des cinq établissements préférés des acheteurs français, que l'on regretterait de voir disparaitre :

  1. E.Leclerc
  2. Carrefour
  3. Décathlon
  4. IKEA
  5. Auchan

Il n'est pas étonnant de voir Leclerc en haut de la liste, dès lors que cette chaîne de supermarchés fondée en 1949 ne cesse d'arriver en tête des classements des marques préférées des Français, y compris en 2021.

Lorsque l'on compare avec d'autres enseignes qui sont les plus populaires en Allemagne ou au Royaume-Uni par exemple, on s'aperçoit que les consommateurs français sont plus pragmatiques dans leurs choix et préfèrent des grands magasins offrant un mélange de produits essentiels et non essentiels.

En plus de nos enseignes physiques favorites, nous aimons également nous tourner, de façon régulière, vers des "pure players". Toutefois, si ces marques exclusivement disponibles en ligne ouvraient des boutiques physiques, nombreux seraient ceux à vouloir s’y rendre.

Nous avons demandé aux personnes interrogées de choisir les marques et boutiques qu’elles aimeraient visiter, si cela était possible. La majorité des répondants a choisi Amazon, à 51%. Avec plus de 200 millions d'utilisateurs qui ont souscrit à Amazon Prime, ce géant du shopping en ligne est l'un des sites les plus populaires au monde... Peu étonnant donc de le voir arriver en tête.

Le tableau ci-dessous révèle les cinq boutiques en ligne que les consommateurs souhaiteraient le plus visiter en personne :

Rang Enseignes Pourcentage de personnes voulant visiter l'enseigne en personne
1 Amazon 42.67%
2 SHEIN 13.50%
3 Cdiscount 10.67%
4 Zalando 7.22%
5 Ventes Privées 7.02%

Jouissant d'une popularité grandissante auprès des membres de la génération Z grâce au succès de TikTok, SHEIN, l'une des marques de prêt-à-porter en ligne les plus populaires, monte sur la deuxième marche du podium.

Viennent ensuite Cdiscount, Zalando et Ventes Privées, toutes trois étant des marques offrant un très large éventail de produits.

L'avènement du shopping en ligne

La crise du Covid-19 a bouleversé la façon dont les Français consomment et fréquentent les commerces. Avec le confinement en vigueur, c'est toute une panoplie d'enseignes qui ont été forcées de fermer à travers le pays, incitant bon nombre d'acheteurs à se tourner vers d'autres solutions pour leur séance de shopping.

Si le phénomène du shopping en ligne n'a rien de nouveau, la pandémie a accéléré de façon considérable le rythme auquel les consommateurs y ont recours.

La pandémie n'a eu qu'un impact mineur sur le comportement des consommateurs français en ligne

Infographie présentant la fréquence à laquelle les Français font leurs achats en ligne

Le shopping en ligne n'était pas aussi présent que maintenant avant le confinement, alors que 23% des Français achetaient des produits non essentiels sur Internet au moins une fois par semaine, et ce avant le confinement national. Ce chiffre avait toutefois augmenté jusqu'à atteindre 31% aux pires moments de la pandémie.

De nombreux consommateurs avaient recours au shopping en ligne plus régulièrement, alors que le pourcentage des personnes achetant sur Internet deux à trois fois par semaine est passé de 16% à 20% au cours du confinement.

Après avoir légèrement augmenté de 23% avant le Covid-19 à 31% au sommet de la crise, le pourcentage des personnes s'adonnant au shopping en ligne au moins une fois par semaine a de nouveau baissé, même s'il reste un peu plus haut qu'avant le début de la pandémie à 27%.

Depuis la fin du confinement, le nombre de consommateurs procédant à des achats en ligne de façon hebdomadaire et ceux disant le faire deux à trois fois par semaine ont tous les deux augmenté, atteignant respectivement 4,5% et 4% comparés aux chiffres pré-pandémie. D'un autre côté, le nombre de consommateurs se rendant sur place au moins une fois par semaine a chuté de 11%, tandis que celui des clients qui fréquentent des magasins une fois par mois ou moins a augmenté de 6%.

Ces chiffres montrent combien les Français ont préféré opter pour un bon équilibre entre shopping en ligne et en personne, alors qu’une grande partie des acheteurs préfèrent toujours se rendre en magasin plutôt que de s'en remettre à Internet.

Savoo s'est entretenu avec Bernard Meyer, un spécialiste du marketing en e-commerce chez Omnisend, pour aborder le coup de pouce donné au shopping en ligne par la pandémie. Il affirme que : "La pandémie a presque tout bouleversé du jour au lendemain, et les marques qui ont réussi à effectuer ce changement de cap vers le numérique ont prospéré. Cela vaut pour tous les secteurs, bien que les grandes enseignes aient de par leur taille été plus lentes à réagir.

Puisque la pandémie nous a privé de plusieurs années, il est très probable que ces habitudes des consommateurs à se tourner vers les boutiques en ligne en premier perdure. Les tendances montraient déjà un transfert de la consommation pour des marques en ligne au cours de la décennie passée. La pandémie n'a fait qu'accélérer le processus. Toutes nos informations suggèrent que ce phénomène va continuer."

Les vêtements et articles technologiques : les produits phares achetés sur Internet

Savoo s'est penché sur les données recueillies pour déterminer quels produits et services les consommateurs choisissent constamment d'acheter en ligne plutôt qu'en personne, ainsi que les changements à prévoir au sein du secteur du e-commerce dans les années à venir, à l'échelle globale.

Les consommateurs préfèrent se procurer certains articles sur le web. Le graphique qui suit s'intéresse alors au passage aux achats en ligne suite au Covid-19, organisé par catégories.

L'industrie de la mode reste la plus populaire parmi les consommateurs français. Les répondants affirmant préférer les boutiques en ligne à 54% pour acheter des vêtements et à 39% des chaussures. Pourtant, plus de 45% des personnes interrogées disent également aimer acheter leurs vêtements et chaussures en magasin, selon les articles.

Les cadeaux et appareils technologiques suivent une tendance similaire : respectivement 38% et 35% des répondants préfèrent se les procurer en ligne.

De l'autre côté de la balance, les denrées alimentaires ne sont que rarement achetées en ligne, 19% seulement des répondants faisant leurs courses sur Internet contre 62 % en magasin.

Le shopping en ligne, un passe-temps de plus en plus chronophage à travers le monde

Au cours de l'année passée, nous avons pu assister à une augmentation certaine des dépenses faites sur la toile, malgré la place toujours importante des commerces de proximité et leur rôle dans le "shopping thérapeutique". Si les consommateurs n'ont pas complétement délaissé les boutiques physiques pour passer au numérique, il n'en reste pas moins que la fréquence à laquelle on dépense dans le secteur du e-commerce a elle aussi augmenté.

Voilà qui est particulièrement vrai au Vietnam. Selon Statista, cette nation de l'Asie du Sud rapporte une augmentation de 57% de l'argent dépensé en ligne. Le e-commerce en Inde et en Chine a également connu un massif bond en avant en termes de dépenses (soit respectivement une augmentation de 55% et 50%). Et avec une croissance de 18%, le Royaume-Uni est un pays où l'on trouve la plus faible augmentation des dépenses effectuées en ligne.

Pour savoir quelles autres nations ont connu une hausse de la fréquence des dépenses faites en ligne, voyez plutôt le graphique ci-dessous.

Infographie présentant les pays ayant augmenté leurs dépenses en ligne pendant la pandémie

Ann, directrice des objectifs à Spice Kitchen, a expliqué à Savoo certains des changements qu'elle a pu observer au cours de la pandémie : "Nous avons remarqué beaucoup de tendances intéressantes, le passage en masse au shopping en ligne étant évidemment l'une d'entre elles. Cela nous a permis de tisser un lien avec nos clients qui recherchaient des idées de repas savoureux à préparer à la maison, et nos épices sont devenues très populaires.

Nous avons aussi observé une volonté de soutenir des entreprises locales et de petite taille. Nous observons toujours beaucoup plus de commandes en ligne qu'avant le début du confinement, comme si le monde avait changé pour de bon. Mais malgré tout, ce souhait de soutenir les petites entreprises et les entreprises locales est toujours présent."

Alors que de plus en plus de personnes se tournent vers le shopping en ligne, les sommes dépensées sur Internet à travers le monde augmentent année après année. En réalité, le secteur du e-commerce avait en 2014 engendré 1 336 milliards de dollars, pour passer à 1 548 milliards l'année suivante (soit 7,4% de plus).

En 2020, ce chiffre atteignait 4 280 milliards de dollars à l'échelle planétaire. Si les dépenses mondiales continuent d'augmenter, l'on peut prévoir que d'ici à 2024, 6 388 milliards de dollars seront dépensés en ligne, soit 22% de plus que dix ans auparavant en 2014.

Infographie présentant la prévision de l'augmentation des dépenses mondiales dans le e-commerce

Conclusion

L'impact entier de la pandémie sur l'industrie du commerce au détail reste encore à déterminer, mais il est d'ores et déjà clair que l'on assiste à un changement au sein du secteur et que les choses ne reviendront certainement pas à ce qu'elles étaient avant.

Tandis que le shopping en ligne continue d'être une solution populaire pour les consommateurs comme les enseignes, il est tout de même important de souligner que nous n'en sommes pas à un point où nos achats se font exclusivement sur Internet. Les consommateurs aiment toujours fréquenter les rues commerçantes et les boutiques qui s'y trouvent.

Ces commerces vont continuer de changer à mesure que les enseignes s'adaptent aux progrès technologiques qui pointent le bout de leur nez et par la même occasion referment le fossé entre transactions physiques et numériques. Peu importe le changement, l'expérience et le service offerts au consommateur doivent demeurer une priorité.

Ed Fleming, directeur général de Savoo, ajoute : "Les grandes zones commerciales ne seront plus jamais les mêmes à cause du Covid-19, accélérant le passage au shopping en ligne qui avait déjà commencé avant 2019 et 2020. Le futur du retail ne repose pas uniquement sur les épaules des consommateurs. Les commerçants ont eux aussi une part immense à jouer s'ils veulent orienter ce futur de l'industrie vers une expérience optimale pour le client.

Alors que des enseignes offrent sur Internet la livraison le jour suivant ou parfois le jour même, sans obliger les consommateurs à quitter leur canapé, l'heure est venue pour les enseignes physiques de s'adapter aux besoins de l'acheteur et de se concentrer sur les raisons principales pour lesquelles les consommateurs continuent de fréquenter des magasins en personne.

La pandémie a initié un changement des habitudes de consommation qui ne sont pas près de changer. Les consommateurs cherchent maintenant à soutenir des entreprises locales plutôt que des grandes chaînes et sont moins enclins à se déplacer pour aller en magasin.

Pour que les commerces de détail survivent et restent pérennes au sein du paysage français, l'expérience du consommateur doit rester au premier plan dans les considérations des enseignes. Les boutiques physiques doivent offrir un service que l'on ne peut pas trouver en ligne ou sur son téléphone si elles veulent continuer à attirer les clients.

Et même si certains consommateurs reprennent le chemin des magasins, les enseignes doivent prendre conscience que d'autres facteurs sont à prendre en compte. Alors que la concurrence est toujours plus vaste en ligne, il faut aussi se rappeler que les acheteurs sont attachés à ce ressenti en personne que seuls les commerces physiques peuvent offrir."